Maurice RAVEL
Daphnis et Chloe, Suite No 2
Orchestre National de la RadioDiffusion Française
Igor MARKEVITCH
24 Septembre 1954, Pavillon des Sports, Montreux
Le ballet «Daphnis et Chloé» - il s'agit plus exactement d'une symphonie chorégraphique en trois parties, pour orchestre et choeurs sans paroles - est l'oeuvre la plus longue de Maurice Ravel - elle dure environ 70 minutes. Elle est conçue en un seul mouvement divisé en trois parties enchainées. L'histoire s'inspire du roman grec «Daphnis et Chloé», de Longus. Elle conte l'histoire du berger «Daphnis», son amour pour «Chloé», l'enlèvement de cette dernière par des pirates, l'intervention du dieu Pan et la fin heureuse.
Cette oeuvre n'est pas souvent jouée dans son intégralité: deux fragments sont par contre souvent donnés en concert, les Suites No 1 et No 2. Ravel lui-même a extrait de son oeuvre ces deux suites pour orchestre. La seconde, la plus célèbre, correspond à la dernière scène du ballet. En concert elle est le plus souvent jouée sans choeur.
"[...] C'est par un des passages les plus connus de la partition que débute le troisième tableau, le célèbre «lever du jour», évocation radieuse dont l'écriture, qui paraît fort simple, est en fait aussi complexe que novatrice. Le violon et la flûte piccolo sont autant d'appels d'oiseaux dans l'aube qui disparaît peu à peu (Pourquoi ne pas songer, alors, au Catalogue d'oiseaux d'Olivier Messiaen, même si cette dernière oeuvre est destinée au piano ?). Un accompagnement ondulant et les choeurs contribuent à créer un univers lumineux, et le motif de Daphnis et Chloé, transfiguré par les cordes, s'unit au thème du lever du jour; venant des profondeurs de l'orchestre, les instruments se rejoignent presque imperceptiblement,- jusqu'à l'apothéose magique, inoubliable... «Ce n'est qu'un accord de ré majeur avec sixte ajoutée», faisait observer Ravel. Certes; mais quelle puissance expressive! Persuasive et cristalline, la flûte solo attire l'attention de Daphnis sur le groupe d'adolescents où se trouve cachée Chloé, enfin revenue. Et le violon, pour leurs retrouvailles, s'épanche en un chant étreignant. Les bois annoncent ensuite le récit des amours de Pan et Syrinx, - mimé par les deux amoureux sur un passage brillant dominé par la flûte, et dont l'allure se précipite soudain en des traits annonçant déjà la conclusion. Dans celle-ci, revient, toujours aussi lyrique et chaleureux, le thème principal avant la bacchanale finale, remaniée et développée. Le rythme débridé et les riches couleurs de cette pièce conclusive font inévitablement penser aux Danses polovtsiennes du Prince Igor de Borodine, mais aussi à l'exubérance du finale de Bacchus et Ariane d'Albert Roussel. [...] cité du Guide de la musique symphonique réalisé sous la direction de François-René Tranchefort, Fayard 1986, ISBN 978-2-213-64075-4